.Symptomatologie et évolution de la maladie « pieds-mains-bouche »Clinical characteristics and course of hand, foot, and mouth disease
Introduction
Bien connue des pédiatres, la maladie pieds-mains-bouche (PMB) est une maladie bénigne, décrite en 1957 au Canada, caractérisée par la survenue d’une atteinte buccale à type de stomatite vésiculeuse associée à des lésions vésiculeuses cutanées sur les pieds et les mains qui sévirent pendant la période estivo-automnale. Son diagnostic est clinique et son évolution spontanément favorable en huit à dix jours. Cette maladie est associée à une infection à entérovirus (EV), en particulier ceux de l’espèce A dont le coxsackievirus A16 (CV-A16) et l’entérovirus A71 (EV-A71) [1], [2] (Tableau 1). Le regain d’intérêt pour cette affection est lié à l’apparition depuis la fin des années 1990 d’épidémies de très grande ampleur en Asie du Sud-Est et en Chine avec survenue de complications neurologiques, parfois mortelles à type d’encéphalite ou de paralysie flasque aiguë (PFA), impliquant toutes l’EV-A71 [3]. Devant cette émergence, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la région Pacifique a émis un guide spécifique de prise en charge de la maladie PMB en 2011[4]. Ainsi, à côté des encéphalites et des PFA, la maladie PMB apparaît comme un excellent marqueur épidémiologique de l’EV-A71 (Fig. 1). La pathologie associée à ce virus émergent au neurotropisme marqué pose un défi thérapeutique mondial, ce qui n’est pas sans rappeler aux plus anciens les années 1950 et l’ère prévaccinale du virus de la poliomyélite. Ainsi, se trouve justifiée la mise en place d’une surveillance internationale.
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Comment la maladie PMB est-elle surveillée ?
Sur un plan nosologique, les formes typiques de la maladie PMB lors des épidémies coexistent avec des formes cliniques incomplètes où vésicules et ulcérations prédominent dans la cavité oropharyngée, réalisant un tableau d’herpangine. Les formes graves incriminant l’EV-A71 s’observent dans les deux tableaux. Il est donc admis que la maladie PMB et l’herpangine font partie de la même problématique [4]. Face aux épidémies explosives d’Asie du Sud-Est, plusieurs pays de la région OMS
Formes classiques
L’herpangine associe une fièvre, une pharyngite vésiculeuse et une dysphagie, avec des ulcérations buccales douloureuses, multiples, souvent limitées à la partie postérieure de la cavité orale. La langue et la muqueuse buccale peuvent également être atteintes [4]. Les vésicules sont translucides et entourées d’un bord inflammatoire. Les symptômes régressent spontanément en une semaine. Les EV le plus souvent identifiés sont les coxsackievirus A2 à A8, A10 et A14. L’infection herpétique est un
La maladie PMB chez les adultes
La maladie PMB (et l’herpangine) n’est pas rare chez les adultes vivant au contact des enfants infectés. Ils ont représenté un quart à un tiers des patients lors des épidémies associées au CV-A6 décrites en Finlande en 2008 [10] ou aux États-Unis en 2012 [11]. Les maladies PMB associées au CV-A6 chez les adultes peuvent aussi être atypiques, voire conduire à l’hospitalisation [26], [27]. L’immunodépression est un risque d’infection sévère à EV [2]. En France, une patiente traitée par rituximab
Diagnostic virologique : quand et comment ?
Le diagnostic de la maladie PMB dans sa forme classique est clinique. Le diagnostic virologique s’effectue dans trois circonstances (Tableau 4) :
- •
de façon impérative devant tout signe d’alerte évoquant une atteinte du système nerveux central ou devant toute atteinte neurologique ou cardiorespiratoire sévère ;
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devant une forme atypique (étendue, purpurique, bulleuse…) la mise en évidence d’un EV permet de faire le diagnostic et d’éviter un traitement inutile ;
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à titre épidémiologique en cas d’une
Transmission
L’homme est le seul réservoir. Les EV se multiplient au niveau pharyngé et digestif puis sont excrétés dans les selles pendant plusieurs semaines. La transmission est donc fécale-orale par contamination directe ou par un environnement souillé, mais la présence des virus dans la gorge, dans la bouche et les vésicules rend possible la transmission aérienne, par la salive ou par contacts rapprochés. Le risque de transmission, maximal au cours de la première semaine de la maladie, persiste
Traitement spécifique et immunoglobulines (Ig)
Le traitement de la maladie PMB est symptomatique. Concernant le traitement spécifique, si les recherches sont très actives, en particulier au sein des équipes chinoises [2], [39] il n’y a pas encore de molécule disponible pour les patients. Les Ig sériques ont un intérêt théorique curatif et préventif. De façon générale, l’utilisation des Ig pour la prévention et le traitement des infections sévères à entérovirus (nouveau-nés et patients immunodéprimés) a donné des résultats contradictoires.
Prévention
La prévention des infections à EV repose sur le respect des règles d’hygiène universelles pour stopper la chaîne de transmission au sein de la famille et de la collectivité. Lorsqu’un patient est hospitalisé, l’équipe opérationnelle d’hygiène de l’établissement doit permettre la mise en place des mesures d’isolement les plus appropriées.
L’ampleur de l’épidémie de maladie PMB en Asie et la sévérité des complications ont stimulé la mise au point de vaccins, avec pour objectif un vaccin efficace
Pourquoi ces épidémies ?
L’amélioration des circuits de surveillance épidémiologique et virologique ne saurait à elle seule les expliquer. Même si les causes sont probablement multifactorielles, le réchauffement climatique, qui entraîne une saison de transmission plus longue et plus intense, joue probablement un rôle, et concerne la maladie PMB comme beaucoup d’autres infections virales, bactériennes ou parasitaires [48]. L’incidence de la maladie PMB est corrélée avec la température moyenne et la pluviosité [49] de
Conclusions
La maladie PMB apparaît donc comme un excellent marqueur épidémiologique de l’EV-A71, virus neurotrope inquiétant à juste titre. Comme le soulignait Kaffenberg et al., les dermatologues sont aux premières loges dans la surveillance de ces émergences donnant des manifestations cutanées [48]. À l’évidence, il en est de même pour les pédiatres et les médecins généralistes, dont la mission d’alerte par la surveillance en milieu ambulatoire vient en complément du décompte des formes neurologiques
Déclaration de liens d’intérêts
H. Peigue-Lafeuille est directeur du CNR entérovirus/parechovirus–laboratoire associé.
L’auteur A. Mirand déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
Remerciements
Nous tenons à remercier l’ensemble des pédiatres ayant participé à la surveillance nationale de la maladie pieds-mains-bouche et l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA, http://www.afpa.org) : Drs Anne-Sophie Belloin-Perraud, Pierre Blanc, Patrice Bouissou, Marie-Annick Burgess, Marie-Edith Burthey, Michelle Carsenti, Marie-Christine Chauvel, Robert Cohen, Caroline Colombet, François Corrard, Liliane Cret, Veronique Dagrenat-Taleb, Simon Dib, Philippe Franchineau, Cécile
Références (50)
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Co-circulation of coxsackievirus A6 and A10 in hand, foot and mouth disease outbreak in Finland
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