Elsevier

Archives de Pédiatrie

Volume 24, Issue 10, October 2017, Pages 1036-1046
Archives de Pédiatrie

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Symptomatologie et évolution de la maladie « pieds-mains-bouche »Clinical characteristics and course of hand, foot, and mouth disease

https://doi.org/10.1016/j.arcped.2017.08.001Get rights and content

Résumé

La maladie pieds-mains-bouche (PMB), le plus souvent bénigne, est associée à des infections à entérovirus, surtout le coxsackievirus A16 et l’entérovirus A71 (EV-A71). Lors des grandes épidémies en Asie du Sud-Est et en Chine survenues depuis la fin 1990, les complications neurologiques à type d’encéphalite ou de paralysie flasque aiguë impliquaient toutes l’EV-A71. La maladie PMB apparaît comme un excellent marqueur épidémiologique de l’EV-A71. Elle est surveillée en France depuis 2014 grâce à un réseau de pédiatres volontaires et sous l’égide du Centre national de référence (CNR). À côté des formes typiques, de nombreuses formes atypiques extensives sont trompeuses, de même que les manifestations tardives telles qu’une desquamation de la paume des mains et de la plante des pieds ou une onychomadèse. Les complications neurologiques, et plus rarement cardiopulmonaires, survenant au décours de la maladie sont parfois mortelles. En Chine, leur taux de survenue a été estimé à environ 1 % avec un taux de mortalité de 0,03 %. L’EV-71 est présent dans plus de 90 % des décès. Le diagnostic virologique dans les formes sévères fait appel à la recherche du virus par amplification génique inverse et à son génotypage, dans les lésions cutanéo-muqueuses, le liquide céphalorachidien (LCR), la gorge et les selles car l’EV-A71 est rarement retrouvé dans le LCR. Dans les pays tempérés, la maladie PMB évolue sur un mode épidémique biphasique et sur un mode endémique, touchant aussi les adultes. En 2016, une recrudescence d’atteintes neurologiques sévères, dont la moitié attribuée à l’EV-A71, est survenue en France. Il n’y a pas de traitement spécifique, mais deux vaccins inactivés sont disponibles en Chine.

Abstract

Hand, foot and mouth disease (HFMD) and herpangina (HA) are common childhood diseases mostly associated with human enteroviruses (EV). Although usually benign illnesses, neurological complications may be observed during large epidemics when enterovirus A71 (EV-A71) is involved, as observed in the Asia Pacific Region and in China since the late 1990s. The occurrence of these complications warrants reinforcing the surveillance of the emergence of EV-A71 infections in France and Europe. Monitoring EV infections associated with HFMD can be considered as an effective tool to detect an upsurge of EV-A71 infections in a timely manner. In 2014, a national sentinel surveillance system for HFMD/HA was set up in France through a network of volunteer pediatricians and coordinated by the National Reference Center for Enteroviruses and Parechoviruses. Although classical manifestations of HFMD/HA can be easily recognized, there are several atypical presentations of the disease that can be confused with other skin conditions. Delayed cutaneous manifestations, such as onychomadesis and acral desquamation, may also occur and should prompt consideration of HFMD in the preceding weeks. Severe complications following HFMD include neurological manifestations (mainly rhombencephalitis) or less frequently cardiopulmonary failure and can sometimes be fatal. In China, the case severity rate has been estimated at 1%, with a case fatality rate at 0.03%. EV-A71 was involved in more than 90% of the fatal cases. Diagnosis of EV infections associated with severe neurological manifestations is based on the molecular detection of the EV genome in vesicles, cerebrospinal fluid (CSF), throat and stool given that EV-A71 is rarely recovered from the CSF. Positive EV genome detection should be followed by EV genotyping to identify the type of the EV. In temperate-climate countries, outbreaks of HFMD occur mostly but not exclusively during summer and autumn months. Adults may also present with HFMD. In 2016, an upsurge of severe neurological manifestations was reported in France; EV-A71 accounted for 50% of the cases. No specific treatment is available, but two inactivated EV-A71 vaccines are currently available in China.

Introduction

Bien connue des pédiatres, la maladie pieds-mains-bouche (PMB) est une maladie bénigne, décrite en 1957 au Canada, caractérisée par la survenue d’une atteinte buccale à type de stomatite vésiculeuse associée à des lésions vésiculeuses cutanées sur les pieds et les mains qui sévirent pendant la période estivo-automnale. Son diagnostic est clinique et son évolution spontanément favorable en huit à dix jours. Cette maladie est associée à une infection à entérovirus (EV), en particulier ceux de l’espèce A dont le coxsackievirus A16 (CV-A16) et l’entérovirus A71 (EV-A71) [1], [2] (Tableau 1). Le regain d’intérêt pour cette affection est lié à l’apparition depuis la fin des années 1990 d’épidémies de très grande ampleur en Asie du Sud-Est et en Chine avec survenue de complications neurologiques, parfois mortelles à type d’encéphalite ou de paralysie flasque aiguë (PFA), impliquant toutes l’EV-A71 [3]. Devant cette émergence, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la région Pacifique a émis un guide spécifique de prise en charge de la maladie PMB en 2011[4]. Ainsi, à côté des encéphalites et des PFA, la maladie PMB apparaît comme un excellent marqueur épidémiologique de l’EV-A71 (Fig. 1). La pathologie associée à ce virus émergent au neurotropisme marqué pose un défi thérapeutique mondial, ce qui n’est pas sans rappeler aux plus anciens les années 1950 et l’ère prévaccinale du virus de la poliomyélite. Ainsi, se trouve justifiée la mise en place d’une surveillance internationale.

Section snippets

Comment la maladie PMB est-elle surveillée ?

Sur un plan nosologique, les formes typiques de la maladie PMB lors des épidémies coexistent avec des formes cliniques incomplètes où vésicules et ulcérations prédominent dans la cavité oropharyngée, réalisant un tableau d’herpangine. Les formes graves incriminant l’EV-A71 s’observent dans les deux tableaux. Il est donc admis que la maladie PMB et l’herpangine font partie de la même problématique [4]. Face aux épidémies explosives d’Asie du Sud-Est, plusieurs pays de la région OMS

Formes classiques

L’herpangine associe une fièvre, une pharyngite vésiculeuse et une dysphagie, avec des ulcérations buccales douloureuses, multiples, souvent limitées à la partie postérieure de la cavité orale. La langue et la muqueuse buccale peuvent également être atteintes [4]. Les vésicules sont translucides et entourées d’un bord inflammatoire. Les symptômes régressent spontanément en une semaine. Les EV le plus souvent identifiés sont les coxsackievirus A2 à A8, A10 et A14. L’infection herpétique est un

La maladie PMB chez les adultes

La maladie PMB (et l’herpangine) n’est pas rare chez les adultes vivant au contact des enfants infectés. Ils ont représenté un quart à un tiers des patients lors des épidémies associées au CV-A6 décrites en Finlande en 2008 [10] ou aux États-Unis en 2012 [11]. Les maladies PMB associées au CV-A6 chez les adultes peuvent aussi être atypiques, voire conduire à l’hospitalisation [26], [27]. L’immunodépression est un risque d’infection sévère à EV [2]. En France, une patiente traitée par rituximab

Diagnostic virologique : quand et comment ?

Le diagnostic de la maladie PMB dans sa forme classique est clinique. Le diagnostic virologique s’effectue dans trois circonstances (Tableau 4) :

  • de façon impérative devant tout signe d’alerte évoquant une atteinte du système nerveux central ou devant toute atteinte neurologique ou cardiorespiratoire sévère ;

  • devant une forme atypique (étendue, purpurique, bulleuse…) la mise en évidence d’un EV permet de faire le diagnostic et d’éviter un traitement inutile ;

  • à titre épidémiologique en cas d’une

Transmission

L’homme est le seul réservoir. Les EV se multiplient au niveau pharyngé et digestif puis sont excrétés dans les selles pendant plusieurs semaines. La transmission est donc fécale-orale par contamination directe ou par un environnement souillé, mais la présence des virus dans la gorge, dans la bouche et les vésicules rend possible la transmission aérienne, par la salive ou par contacts rapprochés. Le risque de transmission, maximal au cours de la première semaine de la maladie, persiste

Traitement spécifique et immunoglobulines (Ig)

Le traitement de la maladie PMB est symptomatique. Concernant le traitement spécifique, si les recherches sont très actives, en particulier au sein des équipes chinoises [2], [39] il n’y a pas encore de molécule disponible pour les patients. Les Ig sériques ont un intérêt théorique curatif et préventif. De façon générale, l’utilisation des Ig pour la prévention et le traitement des infections sévères à entérovirus (nouveau-nés et patients immunodéprimés) a donné des résultats contradictoires.

Prévention

La prévention des infections à EV repose sur le respect des règles d’hygiène universelles pour stopper la chaîne de transmission au sein de la famille et de la collectivité. Lorsqu’un patient est hospitalisé, l’équipe opérationnelle d’hygiène de l’établissement doit permettre la mise en place des mesures d’isolement les plus appropriées.

L’ampleur de l’épidémie de maladie PMB en Asie et la sévérité des complications ont stimulé la mise au point de vaccins, avec pour objectif un vaccin efficace

Pourquoi ces épidémies ?

L’amélioration des circuits de surveillance épidémiologique et virologique ne saurait à elle seule les expliquer. Même si les causes sont probablement multifactorielles, le réchauffement climatique, qui entraîne une saison de transmission plus longue et plus intense, joue probablement un rôle, et concerne la maladie PMB comme beaucoup d’autres infections virales, bactériennes ou parasitaires [48]. L’incidence de la maladie PMB est corrélée avec la température moyenne et la pluviosité [49] de

Conclusions

La maladie PMB apparaît donc comme un excellent marqueur épidémiologique de l’EV-A71, virus neurotrope inquiétant à juste titre. Comme le soulignait Kaffenberg et al., les dermatologues sont aux premières loges dans la surveillance de ces émergences donnant des manifestations cutanées [48]. À l’évidence, il en est de même pour les pédiatres et les médecins généralistes, dont la mission d’alerte par la surveillance en milieu ambulatoire vient en complément du décompte des formes neurologiques

Déclaration de liens d’intérêts

H. Peigue-Lafeuille est directeur du CNR entérovirus/parechovirus–laboratoire associé.

L’auteur A. Mirand déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Remerciements

Nous tenons à remercier l’ensemble des pédiatres ayant participé à la surveillance nationale de la maladie pieds-mains-bouche et l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA, http://www.afpa.org) : Drs Anne-Sophie Belloin-Perraud, Pierre Blanc, Patrice Bouissou, Marie-Annick Burgess, Marie-Edith Burthey, Michelle Carsenti, Marie-Christine Chauvel, Robert Cohen, Caroline Colombet, François Corrard, Liliane Cret, Veronique Dagrenat-Taleb, Simon Dib, Philippe Franchineau, Cécile

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